C’est peu dire que les Etats de l’Occident nanti sont pris de panique !
Ils ont eu l’habitude de dominer le monde militairement, économiquement et culturellement, d’exploiter sans grand scrupule leurs colonies, d’y introduire (ou y imposer) leur façon de vivre et, souvent, leur religion. Ils sont arrivés à moins se faire la guerre entre eux, à restreindre (un peu) leurs propres armements tout en équipant abondamment et à bon prix les peuples moins favorisés.
Ils ont fait croire qu’ils avaient décolonisé les peuples autrefois soumis tout en «globalisant» l’économie, à leur profit: les ouvriers lointains des fabriques d’appareils électroniques et de vêtements, les producteurs de matières premières vivent dans des pays «indépendants» mais leur sort n’est pas meilleur que celui des travailleurs des colonies d’autrefois.
L’Europe et l’Amérique du Nord, ou plus exactement leurs élites économiques, pensaient tenir le monde bien en main, et bien en bourse. Une sorte de pax occidentalis. On pensait même pouvoir remettre en cause les acquis sociaux des travailleurs et des citoyens des pays favorisés, au motif que ceux des pays pauvres leur font de la concurrence…
Et voilà que des terroristes-bricoleurs, parfois isolés, parfois organisés à plus ou moins grande échelle, leur ont déclaré une guerre sournoise, cruelle, visant des innocents sans distinction. Il ne s’agit pas de phénomènes locaux ou internes à l’Occident, comme ont pu l’être les actions de groupes européens d’extrême gauche ou d’extrême droite. Il s’agit bien d’une guerre menée contre l’Occident et ce qu’il représente, à partir de territoires «libérés» de l’influence occidentale ou de quartiers d’ici qui ne bénéficient pas de la prospérité ambiante.
Dans une guerre, il est indispensable d’identifier l’ennemi et de stimuler ses troupes au moyen d’une idéologie, souvent d’une religion.
Les terroristes portent le drapeau d’un islam raciste, cruel, mais surtout simpliste: cela permet aux recruteurs de toucher facilement les laissés-pour-compte, de les embrigader sans grande formation, de les envoyer à la mort en leur promettant le paradis. Puisqu’on est dans un registre religieux, l’ennemi occidental est donc le christianisme.
Face à cela, beaucoup d’Occidentaux tombent inévitablement dans la même simplification: l’ennemi, c’est l’islam contre lequel il faut défendre notre civilisation judéo-chrétienne, quitte à oublier ses plus beaux principes (de paix et de justice notamment); quitte à oublier que la très grande majorité des musulmans, chez nous ou ailleurs dans le monde, ne sont pas en guerre contre nous; quitte à multiplier les entorses aux principes démocratiques issus, après bien des vicissitudes, de cette tradition.
En temps de guerre, la «raison» d’Etat met en veilleuse les libertés, la réflexion, le dialogue avec les partenaires rétifs, ces beaux principes qui sont pourtant ce qui devrait nous motiver à lutter contre un terrorisme qui n’a évidemment pas pour ambition d’améliorer notre vie. Cela ne peut être accepté, provisoirement, que lorsque le danger est extrême, et avec une proportionnalité adaptée à la situation réelle.
Le terrorisme m’oblige évidemment à réfléchir aux moyens de nous, et de me, défendre. Une augmentation de la présence policière dans les grandes manifestations et sur les sites sensibles, des mesures contre ceux qui diffusent des appels au meurtre et les méthodes à appliquer, la surveillance de ceux qui pourraient se former au terrorisme: cela me paraît parfaitement envisageable et même souhaitable. Tout en sachant qu’un prochain attentat, original dans son déroulement et son lieu, ne pourra pas être évité.
Mais, même si une telle réflexion a un côté sordide, il faut aussi voir que le danger lié au terrorisme n’est, au fond, que relatif: nous avons, en 2016, beaucoup plus de risques d’être victimes de chauffards ou de maladies liées à la pollution que de terroristes. Cela reste valable même en France après ces deux années noires… Pourtant, les chauffards ou les pollutions sont plus faciles à repérer, donc à contrer, que les terroristes. Mais il y a là des «libertés» ou des intérêts économiques intouchables.
Il est donc hors de toute raison de prétendre améliorer notre sécurité en interdisant la burka ou le burkini, en mettant le salafisme hors-la-loi (tout en faisant les yeux doux à l’Arabie saoudite), en formant des policiers-suppléants au rabais, en équipant les policiers de lance-roquettes au milieu des foules (c’est la proposition d’un candidat à la présidence d’une république voisine), en privant les terroristes de leur nationalité, en refusant des menus différenciés dans les cantines scolaires, en imposant aux écoliers de chanter chaque jour l’hymne national, …
L’Occident perdra cette guerre s’il persiste à maintenir éhontément les injustices sociales aux niveaux local et international, s’il persiste à conforter le communautarisme en faisant de tous les musulmans des ennemis potentiels, s’il persiste à soutenir des régimes douteux, s’il n’a rien de mieux à proposer à ses propres populations que la régression sociale et la fermeture des frontières.
J’aime ce pays et ses voisins, j’aime leur culture judéo-chrétienne, je suis chrétien, j’aime la démocratie. Je n’aime pas la violence, le racisme, l’embrigadement; je suis choqué par la burka. J’ai donc, outre l’instinct de survie, de bonnes raisons de défendre notre style de vie, ma foi, nos institutions démocratiques et le principe d’égalité hommes-femmes. Mais pas au prix d’une «dé-raison» d’Etat, pas au prix d’une crispation qui pourrait en faire un enfer.