Les Chrétiens de gauche romands réunis à Yverdon-les-Bains, samedi 27 janvier 2018
Chrétiens de gauche et de droite:
Des valeurs communes mais des priorités différentes
Les Chrétiens de gauche romands réunis à Yverdon-les-Bains, le 27 janvier, ont dû remettre en question certaines de leurs habitudes de pensée: ils avaient invité un théologien de gauche et une politicienne de droite et espéraient mettre en évidence les valeurs chrétiennes qui soutiennent leur propre engagement. Rien n’a ébranlé leur conviction que l’Evangile fonde la recherche de la justice sociale; par contre, les deux orateurs ont insisté sur leur conviction que ce ne sont pas les valeurs qu’ils tirent de l’Evangile qui motivent leurs divergences politiques.
La journée a été ouverte par une méditation du pasteur loclois Pascal Wurz, qui n’a pas craint de lire la fameuse «parabole des talents» où le meilleur gestionnaire se voit récompensé par son employeur. Jésus ne nous y propose pas un modèle terre à terre de gestion capitaliste, mais il nous rend attentifs à une valeur spirituelle qui dépasse celle de l’argent: celle de la vie, fructueuse, joyeuse, confiante, active.
Théologien spécialisé en éthique, le professeur Denis Müller conteste qu’il y ait des valeurs spécifiquement chrétiennes (si ce n’est peut-être la sainteté) et encore moins des valeurs chrétiennes de gauche différentes des valeurs de droite. Les valeurs de justice et de liberté (souvent considérées comme celles qui distingueraient la gauche et la droite) ne sont pas spécifiquement chrétiennes et ce qui distingue la gauche et la droite c’est la façon de les articuler ou de les prioriser, en fonction de son histoire et de son environnement.
Figure marquante du libéralisme vaudois, membre du synode de l’Eglise évangélique réformée vaudoise, l’ancienne conseillère nationale Suzette Sandoz réfute le cliché selon lequel la droite privilégierait l’égoïsme voué à Mammon. Elle est attachée au commandement de l’amour du prochain, mais rappelle que le prochain fait partie d’une communauté que les politiciens doivent faire fonctionner en équilibrant ordre et liberté, responsabilité individuelle et action sociale. Un équilibre qui sera effectivement différent selon les convictions politiques. Mais ce n’est pas la Bible qui nous dit si telle proposition d’assurance dentaire est vraiment un progrès social et économique.
L’assistance étant composée de chrétiens de gauche, le débat, animé par le pasteur Virgile Rochat, a surtout démontré l’importance qu’ils attachent au critère de justice:
– refus du racisme et du sexisme,
– justice économique et sociale,
– humanisme disparu de certains régimes de gauche ou de l’économie néo-libérale.
Si les valeurs de justice, de solidarité, de liberté, de sécurité ne sont pas spécifiquement chrétiennes, les Chrétiens de gauche ont donc redit la priorité qu’ils donnent à celles qui leur semblent correspondre le mieux, et le plus concrètement, au commandement de l’amour du prochain.
J.-F. Martin
Secrétaire des CGR
(paru dans l’Espoir du Monde, n° 169 – avril 2018)